Le Parquet national financier (PNF), créé il y a trois ans par François Hollande dans la foulée du scandale Cahuzac, mène avec une célérité sans précédent l’enquête sur des emplois présumés fictifs de Penelope Fillon, preuve de l’importance qu’il a prise dans le paysage judiciaire français.
Cette magistrate de 64 ans est devenue le cauchemar de certains hommes politiques, la nouvelle incarnation, féminine, de ce juge que Balzac qualifiait d'"homme le plus puissant de France". Il faut dire que le palmarès du PNF, que la procureure dirige, donne des frissons, des travées de l'Assemblée nationale aux plus belles adresses de la République: Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, Patrick Balkany, Aquilino Morelle, François Fillon et, dernier en date, Bruno Le Roux, ministre socialiste de l'Intérieur du gouvernement de Bernard Cazeneuve, contraint à la démission.
A trois mois de l’élection présidentielle, « c’est l’intérêt de tout le monde que cette enquête aille vite », a expliqué la cheffe du Parquet national financier, Eliane Houlette, à l’avocat de François Fillon, selon le Journal du dimanche.
Pour Jacky Coulon, secrétaire national de l’Union syndicale des magistrats (USM), majoritaire, cette rapidité est le signe que l’institution, créée en même temps que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, est arrivée « à maturité ». « Le PNF trouve sa vitesse de croisière et prouve son efficacité. »
Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, classé à gauche, estime elle aussi que le PNF a permis « une forme de rééquilibrage » dans le traitement des dossiers de délinquance en col blanc. « On voit une réactivité manifeste, par exemple dans l’affaire des Panama papers, ou là » dans le dossier Penelope Fillon, dit-elle, rappelant toutefois que son syndicat n’était pas favorable à la création d’un parquet spécialisé, lui préférant un renforcement des moyens.
Depuis 2014, 401 procédures
Composé de quinze magistrats et de quatre assistants spécialisés, le PNF gère à ce jour 401 procédures : 180concernant des fraudes fiscales, 173 des atteintes à la probité, et 48 des abus de marché.
Depuis février 2014, 31 affaires ont été jugées, dont deux définitivement. Douze « procès d’envergure » sont déjà programmés en 2017, a déclaré Eliane Houlette la semaine dernière, lors de l’audience solennelle de rentrée du tribunal de grande instance de Paris. Une vingtaine d’enquêtes préliminaires sont par ailleurs « terminées ou en voie de l’être », a-t-elle précisé.
En trois ans, le PNF a connu de grands succès médiatiques. Ainsi de l’affaire Jérôme Cahuzac, ex-ministre du Budget condamné le 8 décembre dernier à trois ans de prison ferme, conformément à ses réquisitions (il a fait appel), ou de l’affaire des primes en liquide du ministère de l’Intérieur, pour laquelle Claude Guéant vient d’être condamné en appel à deux ans de prison dont un ferme, soit plus que ce que demandait le parquet (l’ex-ministre s’est pourvu en cassation).
Opération secrète chez Google
Le PNF a aussi réussi à préparer, dans le plus grand secret, une perquisition monstre chez Google France, réalisée en mai 2016 par 96 enquêteurs après un an d’enquête confidentielle sur des soupçons d’évasion fiscale.
Mais le parquet spécialisé a aussi connu des échecs, notamment le 12 janvier dernier quand le tribunal correctionnel de Paris a prononcé une relaxe générale dans l’affaire des héritiers Wildenstein, de riches marchands d’art poursuivis pour fraude fiscale et blanchiment d’environ 500 millions d’euros via des trusts à l’étranger. Le PNF a fait appel de cette décision.
« Il est assez normal qu’il y ait des décisions de relaxe dans certains cas », relativise Jacky Coulon. « Ce qui pourrait poser problème, c’est s’il n’y avait eu que des échecs mais ce n’est pas le cas », souligne-t-il.
Compétence exclusive qu’en matière boursière
Autre revers, politique cette fois, le Conseil constitutionnel a invalidé, en décembre dernier, un article de la Loi Sapin 2 qui prévoyait d’attribuer au procureur national financier une compétence exclusive pour la gestion des délits de corruption, de trafic d’influence, et de fraude fiscale. Il n’a aujourd’hui compétence exclusive qu’en matière boursière. Mais d’après Jacky Coulon, c’est plutôt une bonne nouvelle.
« Ça aurait complètement noyé le PNF », estime-t-il. Au TGI de Paris, lundi dernier, Eliane Houlette a souligné qu’elle comptait, dans les mois à venir, « déployer tout l’éventail des poursuites pénales offert par la loi ».
Son parquet, qui a déjà négocié une Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) pour un ancien responsable commercial d’UBS France, est en train de discuter avec la banque suisse de la mise en place d’une éventuelle « convention judiciaire d’intérêt public » dans le cadre de l’enquête sur le démarchage illicite présumé de clients français, a-t-on appris récemment de source proche de l’enquête.
Si le PNF mène cette négociation à bien, ce sera une première en France. Les décrets d’application de la loi Sapin 2 sont attendus d’ici fin février ou début mars.
Source : lexpress.fr, ouest France, economie.gouv.fr