Depuis une dizaine de jours, des plaisantins déguisés effraient écoliers et passants.
Les « anti-clowns » se mobilisent et la police s'inquiète.
Depuis une dizaine de jours, les cours de récréation et les pages Facebook bruissent d'une angoisse qui s'est répandue comme une traînée de poudre dans toute la France : celle des clowns.
Il y a d’abord eu cet adolescent déguisé qui poursuivait le 10 octobre des passants dans le centre-ville de Périgueux, armé d’un couteau en plastique « pour faire une blague ». Puis, une semaine plus tard, dans le Pas-de-Calais et dans la Somme, une série de plaintes de passants disant s’être fait menacer par des clowns armés. A la même période, un homme, toujours déguisé, aurait même brandi une tronçonneuse devant une école de Liévin (Pas-de-Calais).
Rapidement, les signalements de clown se multiplient, suivis ou non de plaintes, et rares sont les départements où la presse ne se fait pas l’écho de l’apparition de « clowns » plus ou moins menaçants.
La justice a déjà eu à se prononcer. Un jeune homme armé et déguisé qui poursuivait des enfants à Douvrin (Pas-de-Calais) a été condamné à six mois de prison avec sursis.
Les peurs sont en tout cas omniprésentes. Les recherches sur le mot « clown » explosent subitement mi-octobre en France, principalement dans le Nord - Pas-de-Calais.
D'où viennent ces clowns ?
Les origines du phénomène sont plutôt bien connues. La « grande peur du clown » est arrivée par les Etats-Unis : à Wasco, une petite ville de Californie, le projet artistique d’un couple qui prenait des photos effrayantes d’un clown dans les rues de la ville y avait déclenché un début de psychose.
S’y sont ajoutés, pêle-mêle, la diffusion de la quatrième saison de la série American horror story, qui parle de clowns maléfiques, et les vidéos à succès de DM Pranks, dans lesquels un comédien déguisé en clown fait semblant d’agresser des passants. Un cocktail détonant qui a abouti à des dizaines de signalements, ces dernières semaines, de clowns armés ou non dans les rues de villes dans tout le pays.
En France, ce sont semble-t-il les vidéos de DM Pranks qui ont conduit certains admirateurs à endosser à leur tour le costume de clown pour des « blagues » de plus ou moins mauvais goût.
Les autorités réagissent en ligne
La police a réagi le 24 octobre, avec un communiqué posté sur les réseaux sociaux. Elle y déplore des « dérives individuelles dommageables et des troubles à l'ordre public » en rappelant que « la détention d'une arme sur la voie publique est un délit passible d'une peine d'emprisonnement ». Les forces de l'ordre appellent aussi à « composer le 17 ou le 112 pour signaler la présence d'un individu agressif déguisé en clown ».
Plus imagée, la gendarmerie du Var prévient « ces petits plaisantins aux blagues douteuses qu'ils encourent des poursuites judiciaires qui risquent de ne pas leur paraître drôles du tout ».
En réaction au signalement par des écoliers de plusieurs clowns brandissant une tronçonneuse devant une école du Pas-de-Calais, la police du département avertit le plus sérieusement du monde :
- Les clowns qui s’inspirent de “Massacre à la tronçonneuse” ne sont pas les bienvenus devant les écoles. » — (@)
Multiplication des « anti-clowns »
Plus que les clowns eux-mêmes, ce sont les groupes de « chasseurs de clowns », qui se sont formés ces derniers jours principalement par le biais de pages Facebook à Fréjus, Bordeaux ou Sarrebourg, qui semblent inquiéter le plus les autorités. Armés de battes de base-ball, de couteaux ou de barres de fer, des membres de milices anti-clowns ont ainsi été interpellés durant tout le week-end.
Des adolescents ont même monté des « groupes d’autodéfense » : à Mulhouse, plusieurs d’entre eux sont interpellés alors qu’ils arpentent le centre-ville armés dans une « chasse aux clowns ».
Si les clowns s’étaient contentés d’être effrayants voire menaçants, le passage à l’acte d’un jeune homme déguisé pour fracasser une voiture dans l’Hérault vendredi 24 octobre est venu encourager les expéditions punitives de certains « anti ». Un événement suivi, le jour d’après, par l’agression à la barre de fer d’un piéton à Montpellier par un jeune homme grimé en clown. Ce dernier a été condamné lundi 27 octobre à 12 mois de prison dont 4 ferme par le tribunal de grande instance de Montpellier.
Des pages Facebook, dont certaines comptent plusieurs dizaine de milliers d'abonnés, concentrent les peurs, les photos authentiques ou non, et les appels à la prudence ou à l’autodéfense armée.
Derrière l'une de ces pages, créée il y a une semaine, Marcus, un jeune Lorrain de 14 ans (il ne veut pas donner son nom). Il dit avoir entendu parler des clowns sur Internet et poste régulièrement des photos montrant, parfois de manière très discrète, la présence de clowns aux quatre coins de la France. Le but de la page, qui compte 666 « J'aime » ? « Prévenir les gens de ce danger », selon lui.
Pourquoi la peur perdure
Par ailleurs, le phénomène commence à passer les frontières : en Belgique, à quelques kilomètres de la région Nord - Pas-de-Calais, France 3 relate que la recette est la même que dans l’Hexagone : « rumeurs, plaisantins et mise en garde des autorités ». A Genève, la police se contente pour l’instant de surveiller les réseaux sociaux qui colportent des rumeurs d’apparition de clowns dans la métropole suisse.
Une date a semblé cristalliser pourtant les incidents mais aussi les inquiétudes : le 25 octobre. Parmi les nombreuses pages anti-clowns, l’une des plus fréquentées lui est même dédiée : « Contre ce qui va arriver le 25 octobre ». Pas de symbolique particulière à retenir. Mais, à l’occasion de l’organisation de la Zombie Walk de Bordeaux, ce samedi précisément, une rumeur courait sur le débarquement, dans le cortège de faux morts-vivants, de quelque 200 clowns. Sans réel fondement. La mairie a avancé d’autres arguments, mais cela pourrait également expliquer l’interdiction de la Zombie Walk de Lille.