Usbek & Rica : Le Green Friday, c’est l’anti-Black Friday ?
Anémone Berès : Oui, on prend le contrepied du Black Friday, qui va totalement à contre-courant de ce dont la planète a besoin ainsi que de ce à quoi aspirent de plus en plus de consommateurs. On aimerait faire autant de bruit que le Black Friday pour montrer qu’il existe une consommation responsable et durable, qui a fait ses preuves depuis longtemps. Chez Envie, ça fait plus de 30 ans qu’on prouve que l’économie circulaire peut fonctionner. Mais cela suppose de changer les règles du jeu.
Cette opération est un appel d’urgence au changement ?
C’est un geste de lanceur d’alerte. Nous nous élevons contre la surconsommation nuisible à notre monde. Les déchets sont une source de pollution en tant que telle mais aussi le symptôme d’une consommation excessive de biens, et donc d’énergie, en contradiction avec la lutte contre le réchauffement climatique.
En ouvrant vos ateliers au public pendant trois jours, vous misez sur la prise de conscience individuelle pour sortir de la surconsommation ?
Oui, pour montrer qu’on peut réparer parfaitement de l’électroménager qu’on a tendance à jeter, nous avons même le culot de garantir un an des machines réparées. Un réparateur gratuit sera présent dans certains magasins durant le Green Friday. Avec 4 ou 5 machines destinées à la déchetterie, on peut faire une machine « neuve » d’occasion. Les éléments non réparables, on les recycle pour en récupérer les matières premières et en faire une nouvelle ressource.
Pour que les déchets deviennent une ressource, dans une logique circulaire, il faut aussi sensibiliser à la collecte, qui est loin d’être optimale en France… La prise de conscience collective risque d’être encore longue, non ?
On ne collecte aujourd’hui que 43 % des déchets électriques et électroniques. L’amélioration possible est conséquente. Nous avons tous un ou plusieurs vieux téléphones qui trainent dans les tiroirs. Et il y a une vieille tradition d’enfouissement, et des débarras sauvages, qui nuisent à la collecte.
Mais il y a aussi une montée de la prise de conscience. Il y a incontestablement un « esprit maker » qui gagne du terrain. Dans nos 45 magasins, de plus en plus de gens viennent acheter des objets réparés en raison de leur engagement environnemental, même si l’essentiel de notre clientèle reste motivée par des questions budgétaires. Malheureusement on voit aussi progresser des évènements comme le Black Friday. Cela fait partie des contradictions des consommateurs, il faut nous éduquer au fur et à mesure.
En amont des consommateurs, ne faut-il pas aussi appeler à la responsabilité des constructeurs, et lutter contre l’obsolescence programmée ?
Certains acteurs économiques ont compris que l’avenir était dans le durable et font de vrais efforts en proposant par exemple des pièces détachées disponibles plus longtemps. Néanmoins, certains font de l’obsolescence volontaire. Certaines machines qui nous parviennent ne sont même pas réparables, car elles sont fabriquées à l’économie avec des pièces non réparables. Cela permet de les vendre moins chères mais elles cassent rapidement et le consommateur n’est pas gagnant dans la durée. Il y a aussi le problème des mises à jour de logiciels, qui rendent obsolètes des machines qui fonctionnent pourtant encore très bien.
Le Green Friday pourra-t-il un jour avoir le même écho que le Black Friday ?
Nous lançons notre première édition jeudi. On espère à l’avenir institutionnaliser l’évènement et avoir un maximum d’acteurs économiques et de partenaires à nos côtés. Je pense qu’on peut retrouver les gestes de la réparation, qui existaient au siècle dernier et qu’on a un peu perdus. Il y a un besoin de pédagogie vis-à-vis du consommateur et nous voulons jouer notre partition au sein de cette dynamique pour alerter, faire savoir et développer de nouveaux réflexes : de ne remplacer ses objets que quand on en a vraiment besoin.