CHU de Besançon : trop de chimiothérapies administrées

C'est un nouveau scandale au CHU de Besançon. Philippe Humbert, ancien chef de service de dermatologie, le dénonce.

Y a-t-il eu trop de chimiothérapies administrées au service dermatologie du CHU de Besançon ? Certains médecins les ont-ils prescrites sciemment, alors que d'autres traitements — comme des chirurgies — étaient possibles et peut-être mieux adaptés dans certains cas pour guérir des patients, dans le but de grimper dans les classements ?

 

Ou pire, d'entretenir des liens avec des laboratoires ? Dans le café où nous l'avons rencontré à Besançon, le professeur Philippe Humbert, 57 ans, lance un pavé dans la mare. Dermatologue de renommée internationale, ce spécialiste des cancers de la peau est, dit-il, « dans le viseur » depuis qu'il dénonce de « graves dérives » dans ce service qu'il a dirigé pendant vingt-deux ans et où il exerce toujours. S'il parle pour la première fois, c'est aussi une manière pour lui de se prémunir alors qu'une enquête de l'agence régionale de santé (ARS) est attendue prochainement.

 

VIDEO. Le « J’accuse » du professeur Humbert, médecin dermatologue

 


Le « J’accuse » du professeur Humbert, médecin... par leparisien

Vous avez démissionné de votre poste de chef de service. Pourquoi ?

 

Philippe Humbert. J'ai reçu des plaintes de patients visant certains médecins et internes. Ils y dénonçaient des maltraitances, d'avoir été renvoyés chez eux sans diagnostic, des propos abrupt du type : « Vous avez 15 % de chances de vous en sortir », loin de la médecine humaniste que je prône. Quand j'ai alerté la direction, on m'a accusé de tous les maux. Je ne pouvais continuer ainsi, d'autant que j'avais relevé des fautes médicales graves.

 

Quelles fautes ?

 

Comme dans tous les hôpitaux, le traitement d'un patient atteint d'un cancer se décide lors d'une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP). Trois médecins de spécialités différentes doivent être présents : un chirurgien, un radiothérapeute, un oncologue.

 

J'affirme qu'il y a eu, en dermatologie, entre 2014 et 2015, des violations d'au moins vingt RCP. Plusieurs traitements par chimiothérapie y ont été décidés sans l'avis d'un chirurgien et/ou d'un radiothérapeute Pire, on a inscrit « médecins » sur des documents alors qu'il s'agissait d'internes, laissant penser que le quorum de spécialistes était atteint.

 

Cela a-t-il des conséquences pour les malades ?

 

On leur a délibérément menti. Si la loi Cancer prévoit les RCP, c'est pour qu'il n'y ait pas qu'un seul maître à bord. Des patients ont été privés d'une potentielle chirurgie et d'un diagnostic complet. Parfois, il y a des aberrations. Je pense à ce monsieur de 50 ans avec un mélanome anal qui n'a pas eu l'avis d'un chirurgien lors d'une RCP. Cela l'a empêché de bénéficier d'une poche pour pallier ses incontinences.

 

Quel intérêt à privilégier des chimiothérapies ?

 

Elles sont plus rémunératrices que les autres traitements pour l'hôpital. Je ne sais pas ce qui a poussé le médecin référent des RCP. J'espère qu'il ne s'agissait pas d'alimenter des liens avec l'industrie pharmaceutique. Sur le site Transparence.sante.gouv.fr, on remarque qu'il entretient des liens avec des labos, dont beaucoup sont spécialistes en chimiothérapie.

 

Peut-il y avoir une autre explication ?

 

Peut-être de figurer au sommet des classements. En 2015, le service a été classé troisième par « le Point » pour la prise en charge de cancers cutanés, établi notamment sur les volumes de chimiothérapies. Devant Gustave-Roussy, le plus grand centre anticancéreux de France ! J'ai alerté. L'an suivant, il revenait à sa légitime 11e place.

 

Selon nos informations, le rapport de l'ARS qui s'apprête à sortir pointe que les dysfonctionnements incombent au chef de service. Pour certaines, c'est donc vous !

 

Pensez-vous que j'aurais dénoncé de moi-même des faits dont je serais responsable ? Le chef de service n'est pas le responsable des RCP. Il n'y assiste pas. L'ARS qui a validé les RCP non conformes et nomme le référent ne peut l'ignorer.

 

C'est parole contre parole...

 

Lorsque j'ai découvert les faits, j'ai alerté la direction, la Haute Autorité de santé, le ministère, l'Institut national du cancer, l'ARS... L'escroquerie qui consiste à vouloir me faire passer pour fou s'ajoute à la tromperie faite aux patients. C'est pour eux que je veux que la vérité éclate.

 

Les réponses de la direction

 

Nous avons sollicité la direction de l'hôpital ainsi que le professeur Aubin, responsable des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP), obligatoires pour décider du traitement anticancer des patients. Sans répondre à nos questions, la direction fait savoir qu'elle «souhaite, sans ambiguïté, rassurer les patients sur la qualité de la prise en charge par l'équipe de dermatologie». «Lors de l'inspection menée il y a un an, rajoute-t-elle, suite aux dénonciations du professeur Humbert, il a été conclu qu'aucun patient n'avait subi de pertes de chances.»

 

Elle attend les conclusions de l'ARS pour s'exprimer et assure n'avoir reçu « aucune plainte de patients de dermato ayant trait à de mauvaises prises en charge en chimiothérapie ». Le professeur Aubin indique : « J'attends avec confiance le rapport de l'ARS qui devrait permettre de mettre un terme à ces accusations et rassurer les patients. »

 

Source : Le parisien

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