"Chez nous", présenté comme un film anti-FN, sort mercredi au cinéma. Lundi, son réalisateur Lucas Belvaux explique comment il a essayé de décrypter le fonctionnement et la communication du parti d'extrême droite.
Le film Chez nous de Lucas Belvaux sort mercredi 22 février en salles. Le réalisateur belge a décidé de participer à sa manière à la campagne présidentielle. Le film est clairement inspiré du Front national. Le cinéaste tente de décrypter le discours et le fonctionnement du parti d’extrême droite à travers le personnage de Pauline, une infirmière à domicile qui élève seule ses deux enfants et qui est la candidate du Rassemblement national populaire aux municipales d'Hénart, une ville imaginaire situé près de Lens, dans le Nord de la France.
"Je voulais parler de dédiabolisation", explique Lucas Belvaux lundi sur franceinfo. "Il y a une manipulation au FN. Il y a un discours qui ne correspond pas à ce qui est proposé profondément", estime le réalisateur qui a beaucoup travaillé sur le "vocabulaire" du parti.
Pourquoi avoir choisi la région des Hauts-de-France pour entrer dans la thématique du FN ?
Lucas Belvaux : L’histoire se déroule dans le bassin minier. J’ai fait ce choix car c’est une région que j’aime. Je suis natif de Belgique donc je la connais bien. Par ailleurs, ce qu’on appelle "le FN du Nord" m’intéresse particulièrement. C’est un vote majoritairement ouvrier ou, en tout cas, travailleur. C’est un vote paradoxal. Je décris la France des périphéries. Cette région va mal avec des services publics qui disparaissent progressivement, avec un chômage important et une petite délinquance. Dans le même temps, c’est une région qui se redresse, qui a l’habitude de rebondir, avec 150 ans d’histoire de crises économiques successives.
Votre personnage, Pauline, est poussée à s’engager pour donner un visage à la campagne locale de ce parti d’extrême droite. Que vouliez-vous montrer à travers elle ?
Je voulais parler de la dédiabolisation. Ces partis-là travaillent beaucoup leur image alors qu’ils restent sur un fond idéologique très ancien et qui ne bouge pas. L’idée était de montrer comment le discours change en surface sans changer sur le fond. Pauline incarne le visage présentable du FN. Ce visage peut être surpris après une élection : on constate que 28 % des élus Front national aux dernières municipales ont démissionné. Cela ne s’est jamais vu dans l’histoire politique française. Il y a une manipulation au FN. Il y a un discours qui ne correspond pas à ce qui est proposé profondément. C’est ce que dit le personnage que joue André Dussolier qui fait le lien entre la patronne de ce parti et cette candidate locale. Il est la tête chercheuse.
Florian Philippot, vice-président du FN, s’est dit scandalisé par votre film car, selon lui, il est clairement anti-FN, alors qu’il est financé par les contribuables et donc beaucoup d’électeurs de son parti. Que lui répondez-vous ?
Comme d’habitude, il reste dans le flou, dans le mensonge. Le cinéma n’est pas ou, en tout cas, très peu financé par les contribuables. Il est financé par le compte de soutien, ce qui n’est pas du tout la même chose. Il le sait très bien ou alors, il est un mauvais politicien. C’est un film. Il appartient au domaine du droit privé.
On n’oblige pas les gens à aller dans les salles de cinéma, donc le voit qui veut et réfléchit dessus qui veut.
Lucas Belvaux, réalisateur de "Chez nous"
à franceinfo
Sur le financement, il existe très peu de fonds publics stricto sensu sur le film. Il est vrai aussi que nous avons une politique culturelle et industrielle en France qui a toujours soutenu son cinéma depuis 1946. C’est ce qui fait que l’on a le deuxième cinéma du monde.
Les scores du FN continuent de grimper à chaque élection alors que de nombreux livres ou reportages entendent montrer une face cachée du parti. Comment l’expliquez-vous ?
Il faut un livre entier pour analyser le discours du FN dès qu’on commence à analyser précisément la mécanique du parti. J’ai essayé de faire une synthèse de tous les discours et toutes les analyses. J’ai beaucoup travaillé sur le vocabulaire du FN et la manière dont le parti lisse le message. Ce qui est assez amusant, c’est de voir que les grands modèles du Front national sont des grands communicants tels que Donald Trump et Vladimir Poutine. Ils ne sont pas de grands amis de la France et pourtant le FN se réfère toujours à eux, paradoxalement.
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