Le communiqué de presse évoquant la Nuit de la Prophétie à Epinal le 11 janvier était alléchant. Je cite "La soirée commence, à 18h, aux Archives départementales, avec la découverte d’un mystérieux manuscrit prophétique de 1644 qui y est conservé." Un prophète Vosgien, Dominique Aubert aurait écrit des prophéties valables jusqu'à la fin des temps. Quoi? On aurait un Nostradamus dans les Vosges et on ne nous en a jamais parlé? Un peu trop alléchant pour être tout à fait honnête. Mais c'est bien là ce qui caractérise un bon communiqué de presse: il s'agit d'attirer l'attention, quitte à en rajouter un peu... Le curieux, ferré par le bon mot, se retrouve à poser des questions et va se rendre à l'événement. Bien joué!
Me voilà donc, avec mes questions, appelant le conservateur du patrimoine, chef du service des Archives Départementales des Vosges, François Petrazoller, qui a acquis pour le compte du département le manuscrit en 2018. Quelle ne fût pas ma surprise, de découvrir l'histoire, en dépit de la petite supercherie du communiqué! Une histoire encore plus dingue, plus complexe et étonnante que ne pouvait le laisser entendre la communication, sans en dévoiler une grande partie.
Un personnage remarquable
Dominique Aubert est originaire de Fresse-sur-Moselle. Il s'est installé à Rupt-sur-Moselle, avec sa femme et sa fille, où il exerce son métier de cultivateur. Un homme tout à fait ordinaire, dans une province reculée. En 1799, il tient un journal intime. Il s'intéresse aux prévisions pour les besoins de son métier, mais aussi plus largement aux prophéties. Il a en sa possession un manuscrit datant de 1644 contenant des prophéties.
Comment se l'est-il procuré? Qu'est-il devenu? C'est le seul point resté sans réponse de toute cette histoire. Il entreprend de le recopier en le remettant à jour.
Dans son journal intime, il commence à recopier le texte manuscrit. Il s'agit de prophéties, écrites par un inconnu, mais basée sur des schémas astronomiques. Il faut donc recalculer les données. C'est là que les choses se compliquent. A moins d'être un expert en astronomie, voire en astrophysique, aviez-vous idée que les données relevées en 1644 ne peuvent pas être valides en 1799? Dominique Aubert, le paysan -qui certes, vit en plein coeur du siècle des Lumières, mais n'en pas pas eu l'éclairage dans sa lointaine contrée vosgienne- Dominique Aubert donc, le savait, lui. En 1799.
Des calculs complexes
Les schémas astronomiques qu'il recopie sont calculés sur la base d'une différence de jours qui existent entre le calendrier lunaire et le calendrier solaire, qui nous sert de référence. En 1644, ce nombre de jours de différence (également appelé comput) entre les deux calendriers n'est pas le même qu'en 1799. D'où le nouveau calcul à faire. Et ça Dominique Aubert le sait! Incroyable.
Il a quand même des difficultés à réaliser les calculs. S'il a bien tenu compte des années bissextiles qui viennent corser la donne, il n'a pas su relever la particularité de l'année 1700 (voir en bas de l'article), au niveau de son équinoxe. Erreur! Mais cette erreur n'a pas échappée à l'oeil averti de François Petrazoller, le conservateur du patrimoine.
"Il s'emberlificotte dans les manières de calculer. Et puis il n'a pas tenu compte de 1700!
- François Petrazoller, conservateur du patrimoine, chef du service des Archives de Vosges "
Il faut toutefois, préciser, que l'astronomie, c'est le violon d'Ingres du conservateur. Comme on dit familièrement, il en connaît un rayon. Sans parler de son enthousiasme pour évoquer l'anecdote.
Il devance mes questions.
"J'ai fait des recherches dans les archives départementales: l'existence de Dominique Aubert est validée, j'ai retrouvé les actes de naissance et de décès (1755-1816)."
Comment le manuscrit de Dominique Aubert a été retrouvé puis acquis? Il semble que ce soit une femme, probablement descendante de l'auteur qui a souhaité vendre l'ouvrage. Le Conseil départemental des Vosges l'a alors acquis en 2018.
Comment peut-on être sûr que l'homme n'a pas inventé de toutes pièces un document sur le modèle des prophéties connues? Il faut toutefois, préciser, que l'astronomie, c'est le violon d'Ingres du conservateur. Comme on dit familièrement, il en connaît un rayon. Sans parler de son enthousiasme pour évoquer l'anecdote.
"Les erreurs de calculs sont pour moi révélatrices qu'il est bien parti d'un document existant. Qu'il a travaillé dessus. Tout est vrai, c'est mon intime conviction.
- François Petrazoller, conservateur du patrimoine"
Le reste est affaire de travail de passionné. À son tour, plus de deux siècles après la recopie du document initial, François Petrazoller repart à zéro et recalcule les données prophétiques.
Comment ça se présente une prophétie ?
Le communiqué citait "une prophétie valable jusqu'à la fin des temps." Rien que ça.
Mais en réalité, selon le calcul du nombre d'or de l'année en cours, le résultat ne peut aller que de 1 à 19. Il s'agit donc de cycles. Et il n'y a qu'une seule prophétie à décrypter par série de cycles. Suis-je bien claire?
Toujours est-il que monsieur Petrazoller, ayant noté une anomalie dans les calculs, il y a un décalage d'un an dans le cycle proposé par Dominique Aubert et ses propres calculs. Pour cette année 2020, il se propose donc de livrer la prophétie calculée par le paysan en 1799 et la sienne recalculée avec les bonnes données.
Ce scoop sera offert aux visiteurs de sa conférence donnée dans le cadre de la Nuit de la Prophétie, ce samedi à 18h00, aux Archives départementales...