« Nous avons déjà été attaqués par le passé, nous avons déjà subi des campagnes de dénigrement, mais nous sommes cette fois la cible d’une campagne orchestrée, d’une ampleur et d’une durée inédites. » Christopher Wild a vite replié sa haute silhouette et son sourire. Les toits de Lyon se déroulent en contrebas de la tour où siège le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), derrière les épaules de son directeur.
Christopher Wild a pesé chaque mot avec une gravité à la mesure de la situation. Depuis deux ans, un feu roulant cible l’institution qu’il dirige : la crédibilité et l’intégrité de son travail sont défiées, ses experts dénigrés, harcelés par voie d’avocats, ses financements fragilisés. Chargée depuis près d’un demi-siècle, sous les auspices de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de dresser l’inventaire des substances cancérogènes, la vénérable agence commence à vaciller sous l’assaut.
Les hostilités ont été ouvertes à une date bien précise : le 20 mars 2015. Ce jour-là, le CIRC annonce les conclusions de sa « monographie 112 ». Elles laissent le monde entier abasourdi. Au contraire de la majorité des agences réglementaires, le CIRC juge génotoxique – il endommage l’ADN –, cancérogène pour l’animal et « cancérogène probable » pour l’homme le pesticide le plus utilisé de la planète. Ce pesticide, c’est le glyphosate, principal composant du Roundup, le produit phare de l’une des entreprises les plus célèbres au monde : Monsanto.
C’est aussi le Léviathan de l’industrie agrochimique. Utilisé depuis plus de quarante ans, le glyphosate entre dans la composition de pas moins de 750 produits commercialisés par une centaine de sociétés dans plus de 130 pays.
Le glyphosate, clef de voûte de Monsanto
Entre 1974, date de sa mise sur le marché, et 2014, son usage est passé de 3 200 tonnes par an à 825 000 tonnes. Une augmentation spectaculaire qui est due à l’adoption massive des semences génétiquement...
Source : lemonde