La situation se tend de nouveau à Hongkong. La police a eu recours, dimanche 24 mai, aux lacrymogènes pour tenter de disperser des centaines de personnes qui avaient bravé l’interdiction de manifester pour défiler contre le projet de Pékin d’imposer à la ville une loi sur la « sécurité nationale », dont beaucoup redoutent qu’elle n’annonce la fin des libertés dans l’ex-colonie britannique.
La mouvance prodémocratie avait multiplié les appels à dénoncer ce passage en force de Pékin sur une question qui suscite depuis des années l’opposition des Hongkongais. Des centaines de militants ont répondu présent en début d’après-midi dimanche, scandant des slogans contre le gouvernement dans le quartier commerçant de Causeway Bay, sur l’île de Hongkong.
« Les gens pourront être poursuivis pour ce qu’ils disent ou écrivent contre le gouvernement », a dénoncé Vincent, un manifestant de 25 ans, en référence au projet de loi. « Les Hongkongais sont en colère car nous ne nous attendions pas à ce que cela arrive si vite et de façon si brutale », a-t-il poursuivi. « Nous ne sommes pas naïfs. Les choses ne feront qu’empirer. »
« Nous sommes de retour ! »
Le petit groupe de manifestants a alors commencé à marcher en direction du quartier voisin de Wan Chai, avant d’être repoussé par des tirs de lacrymogènes et de gaz poivré, selon des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP) sur place. Au moins une personne a été arrêtée.
Cela fait des mois que l’île de Hongkong n’avait plus été le théâtre de ce genre de confrontations, particulièrement récurrentes en 2019. L’ex-colonie britannique a connu de juin à décembre sa pire crise politique depuis sa rétrocession à la Chine en 1997, avec des actions et manifestations quasi quotidiennes, et parfois violentes.
Bien que confortée par le triomphe des « prodémocratie » aux scrutins locaux de novembre, cette mobilisation s’était arrêtée au début de l’année en raison des milliers d’arrestations effectuées par la police et, surtout, du fait des restrictions de rassemblement ordonnées pour lutter contre le Covid-19.
« Nous sommes de retour ! Rendez-vous dans les rues le 24 mai », disait samedi un graffiti sur un mur proche de la station de métro de Kowloon Tong.
La police avait cependant averti qu’elle interviendrait contre tout rassemblement illégal, en vertu notamment des restrictions imposées contre le Covid-19 qui interdisent de se réunir en public à plus de huit personnes. « La police déploiera demain les effectifs nécessaires dans les endroits appropriés, œuvrera de façon résolue au maintien de l’ordre public et procédera aux interpellations appropriées », avaient annoncé samedi les forces de l’ordre dans un communiqué.
« J’ai très peur, mais il faut manifester »
Hongkong jouit d’une très large autonomie par rapport au reste du pays dirigé par le Parti communiste chinois (PCC), en vertu du concept « Un pays, deux systèmes » qui avait présidé à sa rétrocession par Londres en 1997.
Ses habitants bénéficient ainsi de la liberté d’expression, de la liberté de la presse et d’une justice indépendante. Des droits inconnus en Chine continentale. Ce modèle est censé durer jusqu’en 2047, mais nombre de Hongkongais dénoncent depuis des années des ingérences de plus en plus grandes venues du continent
Beaucoup voient dans le passage en force de Pékin sur la question de la loi sur la sécurité nationale l’entorse la plus grave, à ce jour, à la semi-autonomie hongkongaise. L’article 23 de la Loi fondamentale, qui sert depuis deux décennies de Constitution à la région, prévoit qu’elle se dote elle-même d’une loi sur la sécurité.
Mais cette clause n’a jamais été appliquée. Car une grande partie des Hongkongais y voit une menace pour leurs libertés. La dernière tentative de l’exécutif hongkongais de mise en œuvre de l’article 23, en 2003, avait échoué face à des manifestations de grande ampleur.
Les opposants au texte redoutent en particulier une clause qui permettrait aux policiers chinois de mener des enquêtes à Hongkong avec leurs homologues hongkongais. Beaucoup y voient les prémices d’une répression de toute dissidence sur le territoire. « J’ai très peur, mais il faut manifester », a déclaré dimanche dans la foule Christy Chan, 23 ans.
Le projet de résolution sera soumis au vote du Parlement chinois jeudi, lors de la séance de clôture de l’actuelle session parlementaire. L’issue ne fait aucun doute, l’assemblée étant soumise au PCC.