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Les inquiétantes dérives d'une école catholique traditionaliste

Le mardi, 13 juin 2017

 

(PHOTOPQR/« LE BERRY RÉPUBLICAIN »/STÉPHANIE PARRA)

Presly (Cher), vendredi 2 juin. La préfecture a fait procéder à la fermeture de l’Angélus «sur le fondement de la protection de l’enfance».

 

L'Angélus, cette école catholique traditionaliste, a été fermée par la préfecture du Cher. La justice enquête sur des soupçons de violences sur les élèves et d'agressions sexuelles.

L'ancien couvent de Presly, près de Vierzon (Cher), a retrouvé son calme. Les 109 élèves qui fréquentaient ce bâtiment isolé au milieu des champs, reconverti en école catholique hors contrat - tendance traditionaliste - ont dû trouver en urgence une autre pension. Le 2 juin, «sur le fondement de la protection de l'enfance», la préfecture a fermé l'école de l'Angélus, ouverte en 2010, qui propose des cours du CE1 à la terminale.
 

 

«On a découvert que des méthodes éducatives dignes du XIXe siècle y avaient court, reposant sur une forme de violence et une organisation extrêmement hiérarchisée», avance Joël Garrigue, le procureur de la République de Bourges, dont le parquet poursuit depuis fin mars une enquête préliminaire visant notamment des faits de violence, agression sexuelle, travail dissimulé et escroquerie.

 

L'alerte a été lancée par un couple de parents qui font part de leurs soupçons au rectorat, à l'inspection académique et à l'évêché. Le courrier est transmis au parquet. Le 2 juin, des gendarmes investissent les lieux, accompagnés de fonctionnaires de l'Education nationale, des services vétérinaires, de l'Urssaf ainsi que de la Direction du travail et de l'emploi.

 

 

Une soixantaine d'élèves sont entendus. «Trois d'entre eux ont fait état de faits de nature sexuelle, des caresses et des massages pour le moins inappropriés, commis par l'abbé Spinoza, le directeur de l'établissement», précise Joël Garrigue. Les victimes présumées sont des préadolescents. «Une vingtaine d'autres ont évoqué des violences infligées par le directeur, l'encadrement ou par des élèves plus âgés sur de plus jeunes, sur instruction de l'encadrement», poursuit le procureur. En guise de punition, le magistrat évoque «des claques - dont la claque dite magistrale -, des coups de poing ou la punition du poireau : un élève obligé de rester dans un coin à ne rien faire, y compris la nuit».

 

Nourriture périmée, chauffage insuffisant et travail au noir

 

«Nous contestons l'existence de la moindre infraction pénale, réagit M e Alexandre Varaut qui représente les intérêts de l'abbé Spinoza et de l'école. Les parents ont signé une charte, ils étaient demandeurs d'un certain type d'éducation assez austère.» «Mon fils a quitté l'Angélus mais, pendant les cinq ans de sa scolarité, je n'ai jamais rien constaté de suspect. L'abbé Spinoza est un éducateur hors pair», assure la trésorière de l'association des parents d'élèves et amis de l'Angélus qui dénonce... «une action de l'Etat socialiste qui a dans le collimateur les écoles catholiques».

 

Lors de leur descente, gendarmes et fonctionnaires ont également découvert des stocks de nourriture périmée (des yaourts stockés dans une pièce non réfrigérée par exemple). «On s'est également rendu compte que de nombreux bénévoles travaillaient à temps plein, en étant rétribués soit en nature (repas, hébergement, enfants scolarisés), soit au black (sic)», insiste le procureur qui s'interroge aussi «sur le décalage entre les recettes engagées (NDLR : les frais de scolarité étaient de 450 euros par mois pour le collège et de 550 euros pour le lycée) et les prestations fournies». Il semble ainsi que le bâtiment n'était guère chauffé l'hiver. Ou alors par une chaudière à bois censée être alimentée par les élèves eux-mêmes.

 

Brièvement placé en garde à vue le temps de la perquisition, l'abbé Spinoza est ressorti libre. Mais une nouvelle convocation dans les prochains jours ne fait guère de doute. L'école a de son côté saisi le tribunal administratif pour contester sa fermeture. Dans un communiqué, l'archevêque de Bourges a souhaité que «la justice puisse poursuivre son travail d'enquête».

 

«On se sent mal vis-à-vis de nos enfants»

Marc*, parent d'élèves de l'Angélus

 

Du dégoût. C'est ce que ressent Marc*, un père de famille dont les enfants étaient scolarisés à l'Angélus. «Nous avions été séduits par le projet de l'école. D'ailleurs, je continue à croire en l'oeuvre. Mais, manifestement, l'homme qui en était à la tête était totalement inadapté», souligne-t-il, satisfait que le procureur de Bourges n'ait «pas entretenu la confusion des genres». «Il ne s'en prend ni à l'Eglise ni au privé hors contrat. Il reste factuel», se félicite ce catholique revendiqué qui se dit en revanche «déçu par la réaction de l'archevêque».

 

Selon lui, les faits dénoncés ne sont pas nouveaux. «On est en train d'ouvrir les yeux, de se souvenir de ces parents qui ont soudainement enlevé leurs enfants de l'école, sans faire de bruit. On aurait dû y voir un signal. On se sent mal vis-à-vis de nos enfants.»

 

Marc n'est en revanche pas surpris par la réaction des associations de parents d'élèves. «Quand je les entends parler de complot, je suis catastrophé, se lamente-t-il. C'est révélateur de la dérive sectaire au sein de l'établissement. Cela traduit leur radicalisation.»

* Le prénom a été changé.

 

Source : leparisien.fr

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