Nivo (1), une ancienne prostituée dont les trois sœurs et la mère sont décédées, a été recrutée pour dépister les pédocriminels et aider à les surprendre en flagrant délit. «Je sors le soir et la nuit, je connais tous les coins. Je me cache, je regarde les hommes discuter avec les filles et quand ils montent dans la chambre, j’appelle la direction», raconte timidement Nivo qui a commencé à vendre son corps à l’âge de 12 ans.
La plateforme aide même la police, complètement démunie, en guidant les forces de l’ordre sur les lieux et en participant aux filatures… La méthode a porté ses fruits. Le 19 novembre, seize ressortissants étrangers, dont une majorité de nationalité française, ont fait l’objet d’un mandat d’amener délivré par le juge d’instruction. Quatre personnes ont été interpellées et incarcérées. Les autres pédocriminels supposés sont activement recherchés, l’un d’entre eux serait actuellement à la Réunion.
«Notre action met à mal une microéconomie»
L’affaire fait grand bruit à Madagascar. La première dame du pays, l’épouse du président Andry Rajoelina, va recevoir la semaine prochaine les représentants de la plateforme. Le vice-président de l’Assemblée nationale a évoqué une nouvelle loi pour durcir les peines encourues. En attendant, à Tuléar, les associations font face à la pression des femmes malgaches des suspects, qui leur reprochent d’avoir porté plainte. «Notre action met à mal une microéconomie», soupire Stéphane Hamouis, membre de la direction exécutive de Bel Avenir. La plupart des parents n’empêchent pas leur fillette de se prostituer, «car elle leur rapporte un peu d’argent», renchérit Haingo Randrianasolo.
Sans oublier les revenus des hôtels, des boîtes de nuit, et parfois des autorités à qui des pédophiles auraient pu proposer des dessous-de-table. En août, un ressortissant suisse a été pris en flagrant délit, mais remis en liberté dès le lendemain. Il a fallu des menaces de médiatisation pour interpeller à nouveau l’individu. Un pédocriminel français, condamné lui à cinq ans de prison ferme, a pu obtenir en appel sa remise en liberté «pour raisons médicales». Mais cette fois, prévient la plateforme, qui s’est adjoint les services d’un avocat, «nous irons au bout des procédures».
Mercredi matin, le juge d’instruction a reçu le témoignage de six mineures, sur les dix-neuf concernées par les derniers cas de pédophilie. Les jeunes filles sont désormais prises en charge par Bel Avenir, où elles apprennent la couture. Même si elle se dit «détruite», Ravaka se sent «enfin en sécurité» et espère démarrer une nouvelle vie.
(1) Les prénoms ont été modifiés.