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Le nouveau président avait déjà décidé de transférer l’autorité du ministère de l’environnement à celui de l’agriculture, aux mains des lobbys agricoles. Une façon peu voilée de faire comprendre que la protection de la vie sauvage, pourtant abondante dans son pays, ne le concernait guère.
"Zone improductive"
Maynard Santa Rosa, le chef des affaires stratégiques de l’administration, a dévoilé à la radio les principaux travaux auxquels il faut s’attendre dans les prochaines années. Qualifiant la forêt équatoriale de "zone improductive", le gouvernement veut l’industrialiser.
Au menu, un pont sur le fleuve Amazone, une extension d’autoroute sur plus de 500 kilomètres pour relier la frontière du Surinam au sud du pays, ce afin de faciliter le transport du soja. Le gouvernement va également lancer un projet de barrage hydroélectrique que la rivière Trombetas, un des affluents de l’Amazone.
Augmenter les capacités énergétiques du pays
La justification est simple, et tout aussi populiste que le programme qui a amené Bolsonaro au pouvoir : "L’Amazonie a une population de 10 millions qui vivent sous le seuil de pauvreté. Nous ne pouvons plus fermer les yeux. Nous devons intégrer cette espace improductif pour y amener des emplois et de l’argent."
Selon ses arguments, le barrage va augmenter les capacités énergétiques du pays, offrant de l’énergie à l’industrie de l’aluminium et empêchant les fréquentes coupures de courant dont souffrent les grandes villes de Manaus et Boa Vista.
Destruction des réserves indigènes
Si la destruction de la forêt équatoriale est un désastre environnemental à elle toute seule, rien n’a évidemment été évoqué quant aux populations indigènes qui vivent dans la région. Quatre réserves indigènes sont concernées par le projet, tout comme huit populations quilombo, des descendants d’esclaves africains qui vivent désormais dans la forêt.
Evidemment, les organisations de protection de l’environnement sont rapidement montées au créneau. "Ce plan met en danger une région de l’Amazonie qui est une mosaïque de régions indigènes et de conservation de grande importance, non seulement pour ses habitants, mais pour toute la planète", explique Lucia Andrade, la coordinatrice de la commission Pro-Indian.
Un dernier espoir : le Brésil est soumis à des mesures d'austérité
Le plan doit encore être confirmé par décret présidentiel dans les deux prochains mois. Une manière, pour le gouvernement, d’éviter tout contrôle initial du congrès et toute étude d’impact sur l’environnement. Ce décret devra ensuite être adopté par l’assemblée législative dans les trois mois, sous peine d’annulation.
En revanche, le gouvernement n’a, à aucun moment, parlé des ressources financières nécessaires à de tels travaux. Et c’est là où le bât pourrait blesser. Car le pays est soumis à des mesures d’austérité strictes et ses dépenses publiques sont sévèrement encadrées. Ce qui pourrait donner encore un peu de répit à la forêt. Un bien maigre espoir…