« On pense tous que c’était juste un prétexte pour pouvoir évacuer la Zad de manière facile et rapide », dit à Reporterre par téléphone un soutien de la Zad. Par ailleurs, raconte à Reporterre Jean-Baptiste Durand, président de La Vigie, association historiquement opposée au projet de port , « les gendarmes sont repartis vers 20 h, il commençait à faire nuit. Puis sont arrivés les engins de la commune, les services techniques, le maire, un adjoint, et quelques dizaines de personnes venues aider à faire le ménage. Chaque cabane a été incendiée ». D’après les occupants du site, leurs camions aménagés auraient été vandalisés à coup de pieds de biche, et les moteurs percés. « Ce qui m’interpelle le plus, c’est que le maire ait appelé 70 personnes civiles en plein confinement », déplore à Reporterre Martine Lucé, présidente de l’association Demain Brétignolles.
Les occupants du site interrogent les forces de l’ordre, sans avoir reçu jusqu’à présent de réponses : Où sont leurs animaux ? Comment, en période de confinement, des citoyens brétignollais ont-ils pu quitter leur logement et se regrouper, à l’appel de la municipalité, pour venir aider à nettoyer ? Pourquoi les cabanes contenant des objets personnels ont-elles été incendiées ? « Nous invitons chaque personne, puisque nous sommes confinés, à appeler la gendarmerie de Bretignolles et la mairie [pour poser ces questions] », poursuivent les militants dans leur communiqué de presse. Ils dénoncent « un choix politique autoritariste » et « une mise en danger d’autrui ».
en ai vomi tellement le procédé m’a choqué. » Au téléphone, la voix semble comme éteinte. Bien loin de l’énergie qui anime d’ordinaire Jean-Baptiste Durand. Ce vendredi matin, le président de la Vigie est comme sonné. « Bien sûr que depuis son déménagement du terrain privé vers la parcelle communale voisine, la ZAD était en infraction », reconnaît cet opposant historique au projet de port de plaisance de Brétignolles-sur-Mer, qui précise que, « contrairement à ce qu’affirme la municipalité, [son] association n’a jamais soutenu les zadistes ». « Mais, ajoute-t-il, est-ce une raison pour mobiliser ce que j’appelle une milice ? »
Martine Lucé, aussi, en reste estomaquée. « J’habite à 600 mètres de la mer et, depuis les arrêtés préfectoraux du 18 mars et du 3 avril, l’accès à la plage, aux dunes et aux chemins côtiers est interdit, sous peine d’amende pour violation des règles de confinement. Et, là, à l’appel du maire, ils sont 70 à mettre le feu à ce qu’il reste des cabanes ? »
Dans un courriel qu’elle adresse à la préfecture de la Vendée, le 9 avril au matin, soit le lendemain de l’évacuation litigieuse, la présidente de Demain Brétignolles s’interroge « sur ce rassemblement en plein confinement. Ces personnes ont-elles obtenu une dérogation spéciale ? » Il faudra moins de 24 heures pour que la réponse tombe dans sa boîte mail.
« L’opération qui s’est déroulée hier soir à Brétignolles-sur-Mer était une opération d’interpellation conduite sous l’autorité de Madame le procureur près le tribunal judiciaire des Sables-d’Olonne, détaille le sous-préfet, Thierry Bonnet. Le départ des individus interpellés a permis à la commune de Brétignolles-sur-Mer, sous l’autorité de son maire, de reprendre possession des lieux qui lui appartiennent et qui étaient occupés illégalement. »
Outre la légalité de cette opération d’évacuation, improvisée à la suite d’une opération de gendarmerie diligentée après qu’une altercation a eu lieu sur la « route des chicanes » entre des zadistes et un couple d’automobilistes, le mercredi matin, plusieurs camions auraient été vandalisés, « dont un très lourdement », assure David Potier.
Ce dernier, qui est tout à la fois avocat et l’un des acteurs de la ZAD, l’affirme : « Jamais nous n’avons eu de copie d’ordonnance d’expulsion. » « Nous comptons porter plainte contre X pour dégradation, vraisemblablement en bande organisée », précise-t-il, ce samedi, à nos confrères de L’Humanité.
Troublé par cette affaire, c’est peu de dire que Jean-Baptiste Durand l’est encore, 72 heures après les faits. « Déjà, envoyer une cinquantaine de gendarmes, assistés d’un hélicoptère et de drones, pour interpeller des zadistes qui ne sont plus qu’une vingtaine, cela interroge, dit le militant. Mais qu’un élu de la République en profite pour organiser une évacuation en dehors de toutes règles, alors même que le pays vit, depuis près d’un mois, sous un régime d’exception, c’est tout bonnement incompréhensible. »
Pour seule explication à ce casse-tête législatif, les deux représentants associatifs devront se contenter de cet argument, avancé par le sous-préfet des Sables-d’Olonne : « Selon le maire que j’ai interrogé à ce sujet, les bénévoles qui ont participé au nettoyage des lieux l’ont fait au titre de la participation à des missions d’intérêt général, sur demande de l’autorité administrative, une dérogation prévue par les textes. Ils étaient porteurs d’une attestation en ce sens. » Le fonctionnaire précise qu’« il leur a été remis des gants, des masques, et les consignes relatives aux gestes barrière [sic] ont été rappelées. Du gel hydroalcoolique était à leur disposition sur le site ».
Pourtant, à regarder de près les photos et vidéos de l’évacuation, qui tournent sur les réseaux sociaux, « il n’est pas toujours évident de vérifier si les règles de distanciation sociale ont, ou non, été respectées », glisse Martine Lucé. « Ce qui vient de se produire avait clairement été annoncé pendant la campagne des municipales, accuse Jean-Baptiste Durand. Christophe Chabot [le maire – ndlr] et ses équipes n’attendaient qu’une occasion pour évacuer la ZAD. Il a profité du confinement et de la difficulté de se mobiliser pour lancer son appel dès que l’occasion s’est présentée. »